Dans Belleville, l’été, à Paris, c’est déjà les vacances. Il flotte dans l’air une odeur de départ, de grand Sud, de robes légères et de nu-pieds. Les villages africains sont à peu près chez eux et le square Bolivar est au bord de la Mer. Chez Farid, au bar du coin, les tables envahissent le trottoir et les gens sont là, à siroter des boissons fraîches avec les enfants qui n’ont déjà plus d’école. D’ailleurs, le quartier se vide un peu plus chaque jour. Et la rue s’alanguit, comme l’air et les gens. C’est dans ce bel été commençant, un soir de juillet au ciel orange, que j’ai perdu l’équilibre. Le monde s’est déchiré. Il ne me restait alors que des lambeaux de réalité. Mais en moi, il n’y avait pas l’ombre d’un doute, se livrait une bataille pour la vie. Je maintenais adroitement, vaillamment, ma barque dans les eaux calmes des vivants. Aucun courant contraire ne me portait vers la rive noire qui pourtant était visible. Ce que j’ai depuis, pour vivre, après mon réveil et ce voyage, inscrit dans mes cicatrices, c’est la conscience. En cadeau d’adieu. La conscience d’être vivante et mortelle. Merci d’avoir été là pour le voir et le donner en lecture à ceux qui vous liront. Martine Swertvaegher