D’entrée de jeu, un télescopage rapide conduit du crime à la naissance, de la naissance au crime. Le récit ne s’embarrasse d’aucun temps mort. Appelés par un mot, par une scène, les décors surgissent à point nommé, puis se défont dans l’après-midi fin de siècle. Ici l’anonymat est la règle ; les lieux ne sont que des passages : chambre d’hôtel, boulevard, salle de cinéma, tribunal, cellule de prison, autobus, appartement squatté. Vivant au jour le jour « dans le gris de l’histoire », dépossédés de leurs propres émotions par le cours accéléré des événements, c’est à peine si les personnages ont le temps de se constituer une identité repérable par un surnom (Le Bouclé, Ange, Fifille, etc.). La violence qu’ils exercent sur les autres ou sur eux-mêmes n’est que l’envers de la nostalgie. À la fin, quand tout est joué, une dernière accélération transforme la souffrance en fait divers.