Dans un monde en perte de repères, il est tentant de s’en remettre à un appareil pouvant indiquer exactement le chemin à prendre. Boussole des temps modernes, le GPS vous suit à la trace, guide vos pas et mesure avec une précision mathématique l’itinéraire le plus court pour vous rendre du point A au point B. Si tous les chemins mènent à Rome, la voie la plus rapide n’est toutefois pas toujours la meilleure à emprunter, et la machine qui établit le trajet peut, à tout moment, se détraquer. Les passagers et les conducteurs d’«Uberland» de Gaëtan Brulotte et d’«Un monde bidon» de Michel Lord se perdent en conjonctures. Dans «Great Plains Stallion» d’Olivier Bouchard, le système de navigation – un cheval lecteur de cartes – s’avère plus rustique, mais sa sensibilité s’en trouve accrue. La perception spatiale est aussi décuplée dans «Dessine-moi une ville» de Serge Labrosse, alors que l’errance inquiète devient la seule voie possible dans «Faire demi-tour» de Maude Deschênes-Pradet. Étienne Allaix fait état du tourment d’un homme recevant les coordonnées géographiques de lieux inconnus tandis que l’angoisse, dans la nouvelle «Sur une forme blanche, immobile» de Julie Bouchard, affecte à la fois celle qui guide, et celle qui est guidée. Cinq nouvelles hors thème accompagnent le dossier. Dans «L’œuvre improbable» de Frédéric Hardel, une jeune femme s’abîme dans la contemplation d’une œuvre d’art. Jean-Louis Trudel raconte la tentative d’un fils de raviver les souvenirs de sa mère dans «Chanter l’amour même quand on l’oublie». Justin Gagnon relate la journée horrifique d’un correcteur atteint d’eczéma dans «Congédiement» et Rémi-Julien Savard imagine, dans «Souffler un peu», une connivence insoupçonnée entre un chauffeur de souffleuse et un psychologue bègue. Finalement, André-Ann Lavoie vous guide dans une ville dévastée.