« “Nationalité, langues parlées, religion ?”Ses gardes poussent Abel, presque gentiment. Il lui faut réfléchir à sa réponse, alors qu’il n’est même pas sûr de comprendre la question. Personne n’envisage d’exiger qu’on la répète. Au début des migrations sauvages, le Conglomérat avait adopté un sabir composite de volapuk et de novlangue, mâtiné de français international et d’une touche d’esperanto, se souvient vaguement Abel.— Je suis d’une race qui ne sait pas mourir, je parle français et ne pratique aucune religion, répond-il presque sans hésiter. »Les changements climatiques ont provoqué le réchauffement de la planète, la montée du niveau des eaux… Dans un avenir à la fois proche et lointain, au Québec, où poussent manguiers, citronniers, palmiers, les grandes crues ont divisé la Capitale. Plus rien ne compte que la survie, dans un monde où une élite s’est approprié la richesse, reléguant la plèbe à cette lointaine banlieue appelée la République.Nauro, vieux prophète libidineux, a échappé de peu à la mort. Pendant ce temps, son fils, Abel Ritz, chimiste et enquêteur déchu, promène sa carcasse des deux côtés de la rive. Autour de lui gravitent des êtres ambigus dont Frank Sinistra, sordide bluesman occupé à intoxiquer ses semblables. Dans cet univers aux accents volodiniens, seule la loterie nationale intéresse les uns et les autres. Mais Ritz n’a pas renoncé à ce qui subsiste d’humanité en lui. Ni à ce don hérité du Père.