Dès 1917, spontanément, les paysans russes se soulèvent contre le tsarisme. Ils vont ainsi contribuer à la victoire des bolcheviks. Mais si les paysans espéraient ainsi jouir enfin librement des terres confisquées aux grands propriétaires, les bolcheviks, eux, rêvaient de les collectiviser, de contrôler les campagnes dont dépendaient le ravitaillement des villes et le salut de la révolution. Ce “malentendu” historique s’accompagne d’une incompréhension mutuelle. Dans un monde rural réfractaire au changement, déshérité, isolé, s’est développée une civilisation paysanne originale et autonome. Elle va de l’art de construire une izba à une conception du droit de propriété et à une pratique du christianisme tout à fait particulières. Pour les bolcheviks, cette civilisation n’est que barbarie et crétinisme. Ils lancent contre elle des “croisades culturelles”, des missionnaires athées, de jeunes communistes qui “liquideront” l’analphabétisme et célèbreront dans les villages le 1er mai, la “Trinité prolétarienne”. Pour briser les résistances, le régime finira par procéder à la collectivisation forcée des campagnes. Ce grand tournant dans la vie paysanne allait être fatal à la civilisation rurale traditionnelle. Pendant deux décennies – 1920-1940 – l’Ancien et le Nouveau s’affrontent et coexistent. La fin de la Russie paysanne et les débuts de la Russie communiste, telle est la trame de cette Vie quotidienne des paysans russes de la Révolution à la Collectivisation.