Mars 1991. Quatre fonctionnaires des douanes se retrouvent en prison, accusés d’avoir monté un trafic de stupéfiants entre la France et le Maroc. “Nous ne sommes pas des ripoux, répondent-ils, nous avons agi sur ordre pour démasquer des trafiquants.” Il faut se rendre à l’évidence. Infiltration d’agents dans le Milieu, utilisation de vrais faux papiers, recours à des auxiliaires mi-informateurs mi-barbouzes : ces méthodes, courantes aux États-Unis et popularisées par les feuilletons télé mais jusque-là inconnues en France, sont désormais appliquées dans cette guerre à la drogue où tous les coups sont permis. La polémique se double d’une “guerre des polices” – douanes contre P.J. – qui implique leurs ministères de tutelle respectifs, le Budget et l’Intérieur. Pour y mettre un terme, le gouvernement rédigera à la hâte une loi de circonstance, amnistiant les douaniers. Mais, au-delà de cette affaire dont nous suivons ici tous les rebondissements, de Tanger à Lyon, Philippe Bordes évoque les problèmes moraux, juridiques, politiques, humains qu’elle implique : est-ce le rôle d’un agent de l’État de provoquer un délit, voire d’y participer ? Où finit le renseignement, où commence la complicité ? Comment réglementer de telles pratiques ? Sont-elles en réalité aussi efficaces que dans les films ? Ne sont-elles pas génératrices d’une mentalité “cow-boy”, faite du plaisir de la chasse pour la chasse ? Les réponses se trouvent sur cette ligne fuyante qui sépare bien et mal, droit et efficacité, morale et cynisme. Aux frontières de la loi.