Si tous les présidents de la Ve République ont eu leurs émissaires secrets, jamais, comme sous le septennat de François Mitterrand, ils ne s’étaient entourés d’une garde de choc aussi directement engagée sur le terrain. En donnant parfois l’impression de prendre goût à manipuler les dossiers du contre-terrorisme ou du contre-espionnage, au risque d’exposer le pouvoir à tous les aléas de l’intox et de le compromettre. Les Français en eurent la première révélation d’importance avec les mésaventures, à la fois dramatiques et bouffonnes de la cellule élyséenne des gendarmes Prouteau et Barril, mise en place en août 1982 pour coordonner l’action contre le terrorisme. Avivée par la guerre des clans et des chefs, la rivalité entre les services aboutit rapidement, avec l’affaire des Irlandais de Vincennes, à leur neutralisation réciproque, cependant que la cellule se transformait en cabinet noir de la présidence. Mais non content d’avoir créé une police parallèle, le pouvoir n’hésitait pas ensuite à utiliser le bras armé des services secrets pour monter une véritable action de commando contre le navire écolo-pacifiste de Greenpeace dans le port néo-zélandais d’Auckland. La noyade imprévue d’un photographe suffit, la presse aidant, à transformer en affaire d’État un sabotage qui aurait pu rester de l’ordre du fait divers. Dernier épisode navrant, les otages du Liban symbolisent tragiquement l’impuissance de la France à maintenir sa présence au Proche-Orient, où, de l’assassinat de son ambassadeur en octobre 1981 au raid manqué sur Baalbek, en passant par l’hécatombe du quartier général de sa force de paix, ses services spéciaux n’ont connu que l’amertume de l’échec. Aucun rapport, à première vue, entre les mésaventures des "Mousquetaires au château ", l’affaire Greenpeace et cet adieu au Liban déchiré. Aucun rapport mais un dénominateur commun : l’engagement en première ligne de l’autorité de l’État dans le guêpier d’actions secrètes de nature à la mettre en péril ; la gauche au pouvoir se révélant étonnamment friande de "coups tordus"... et de secrets d’État ! Journalistes rompus aux investigations criminelles, les auteurs, avec le concours d’Alain Louyot, ont conjugué leur expérience pour percer ces secrets. Sans complaisance, mais sans parti pris. En historiens du présent.