Nul ne sait si ce siècle est pire que les autres, mais le mal y a pris des formes qui ont étonné. Entre les témoins et les philosophes qui ont réfléchi sur le mal moderne, deux l’ont considéré attentivement tout en gardant une âme innocente et un cœur pur, Vladimir Soloviev et George Orwell. Le premier, philosophe russe peu connu en France, a estimé que la source de ce mal se trouvait dans un dévoiement de la religion et son comble dans la perversion (ou la « falsification ») de l’idée du bien. Le second, illustre écrivain anglais, a voulu, non sans risque de désespoir, percer la nature de cet amour du mal pour le mal dont il craint le triomphe imminent. Tous deux redoutent un malheur historique proche, tous deux recourent au genre littéraire apocalyptique et célèbrent la bonté du monde quotidien et ordinaire. Cela justifie leur réunion dans cet essai, malgré l’opposition symétrique de leurs conclusions.