En Thaïlande, son pays natal, on appelait Sunnath « la Maréchale ». Ou bien encore « la Louve peinte ». Parfois aussi l’on ironisait sur « la Grande Videuse ». A Hanoï, d’où elle dépendait politiquement, on parlait d’elle en revanche avec respect. A Hanoï, elle était « la Purificatrice ». Nous connaissions bien la carrière de Sunnath, et lorsqu’elle retourna à Bangkok à la fin avril 75 ce fut très mauvais signe. Tant qu’elle s’était contentée, comme partout elle l’avait fait, de Saigon à Battembang, de recenser bordels, boîtes à strip-tease et salons de massage, en vue du jour J rouge, avec, à la clef, noyautage du personnel, rackets, etc... et punition à la grenade pour les têtus, tout le monde laissa faire. Début juin pourtant, la belle Sunnath — 1 mètre 59 de viande de panthère — se mit à s’intéresser de trop près aux réfugiés politiques. C’était une curiosité difficilement supportable pour les services spéciaux, étonnamment conjoints, soviéto-américano-français. La Grande Videuse fut, à l’unanimité, condamnée à mort. Restait à exécuter la sentence.