« Les âmes sensibles ont plus d’existence que les autres. Les biens et les maux se multiplient à leur égard ». Cet éloge du chevalier de Jaucourt dans l’article « Sensibilité » de l’Encyclopédie peut paraître excessif. Les difficultés liées à la possibilité d’une connaissance sensible, comme la méfiance à l’égard des états émotionnels et des passions semblent interdire, de donner au mot une connotation positive. Pourtant « exister pour nous c’est sentir », ainsi que l’affirme Rousseau : nous ne pouvons échapper à notre être sensible. Mais, entre sensation et sentiment, l’acte de sentir paraît obscur, voire contradictoire. Il requiert une élaboration, dans le domaine de la connaissance, comme dans ceux de l’éthique et de l’esthétique, que ce livre retrace dans ses grandes lignes. Ni pure passivité soumise aux affects, ni activité d’un sujet désincarné, la sensibilité apparaît comme le rapport qui lie chacun de nous au monde et définit sa singularité.