Les quatre mitrailleuses du capitaine Win-Din crachèrent à la fois, croisant et recroisant leurs feux. Vu des hauteurs, le spectacle était hallucinant. Des corps, par grappes, se recroquevillaient dans un éclaboussement de sang. D’autres, projetés par les impacts, faisaient plusieurs tours sur eux-mêmes avant de s’immobiliser. Des hommes, simplement frôlés par les gros projectiles, se relevaient d’un bond, cherchant, souvent sans y parvenir, un abri plus sûr. Certains gagnèrent quelques mètres ; d’autres, au contraire, se replièrent. Toute l’extrême aile droite de la vague d’assaut, miraculeusement épargnée grâce à une levée de terrain, disparut, comme par enchantement, sous un boqueteau. La poussière soulevée par les balles flotta bientôt en nuage gris, voilant le carnage. Quand le tir cessa, une cinquantaine de rescapés se relevèrent et refluèrent vers le couvert, à toute jambe. Des blessés se traînaient ; d’autres, impuissants, réclamaient de l’aide. Parmi les fuyards, les plus courageux en empoignèrent par les épaules ou par les jambes et les tirèrent à leur suite. Dans la jungle, où elles attendaient en deuxième vague, deux compagnies refusèrent de sortir sur le glacis. Phu-Mang, étreint par un sentiment d’impuissance inconnu de lui jusqu’alors, n’insista pas et braqua ses jumelles sur l’objectif hors d’atteinte.