Pourquoi, comment se sont défaites ces solides familles bourgeoises de province qui, au temps des deux avant-guerres, accumulaient encore, dans leurs maisons cossues enchâssées dans leurs jardins, les enfants, les meubles, les livres, les bibelots ? Louise Bellocq nous fait assister au dernier épisode de la vie d’une de ces maisons, au moment où les héritiers viennent de la vendre et la vident de tout ce qu’elle contenait. Mais il ne s’agit pas de sordides partages. L’une des deux sœurs, Madeleine, trop jolie, romanesque et faible, l’autre, Monique, l’amazone, intransigeante, froide et passionnée, ont leur noblesse. Seul le frère, Maxime, si beau dans sa jeunesse, est tombé dans la plus médiocre vulgarité. Non, il s’agit de mélancolie, de regrets, d’angoisse de l’avenir, suscités par la confrontation de chaque protagoniste avec les autres et avec l’ancienne image de lui-même qui flotte dans la maison. Au cours des méditations qu’ils ne cessent de poursuivre, se construit page à page l’histoire de la famille et se précisent les caractères. Le récit, attachant, aisé à suivre, avec ses nombreux et poétiques retours en arrière, n’est pas divisé en chapitres, mais en pièces ou en parties de la maison, ce qui souligne efficacement la permanence des choses à côté des êtres qui changent. L’histoire s’achève « dans l’entrée », autrement dit sur le seuil, où tout finit un jour par se défaire et se dissoudre.