Indochine 1953. La guerre a sept ans. Pour les Français, la partie est jouée — et perdue. Dans un poste isolé au bord de la rivière Claire, cerné de loin par l’ennemi, ravitaillé par parachutages, quelques soldats d’un régiment d’infanterie coloniale tiennent garnison. Ils sont arrivés ici au bout du monde, un monde de rizières inondées, désespérément vides, de fusil mitrailleurs et de vin rouge, où il n’y a rien à faire, où il ne se passe rien, et qu’ils peuplent de fantasmagories et de rêves à la mesure de leur impuissance. Dans leurs jeux étranges et parfois cruels, dans les « cérémonies » qu’ils mettent en scène, c’est le problème du privilège que tout homme a — ou n’a pas — sur son destin, qui transparaît. Retour en France ou pas ? Sincérité ou évasion ? Repoussés ici par le paysage, par la population qui refuse tout contact, qui s’enfuit à leur approche, Hosquin l’intellectuel, Flattrat le gars de l’Assistance et tous les autres, ont-ils une place ailleurs ? Il n’y aura pas de réponse. Le delta « cède à la gangrène ». A l’ouest c’est Dien-Bien-Phu. A son tour le poste est assailli, submergé. Pour ses défenseurs, réduits à leur seule lucidité (une lucidité qui n’est pas une justification), la minute de vérité s’appelle l’honneur des armes.