Antonin Camoin est un vieux paysan qui vit dans un village, Ensuès, à une trentaine de kilomètres de Marseille. Robert Davezies l'a entendu. Camoin lui raconte par bribes sa guerre de 14, et surtout sa captivité en Allemagne et en Pologne. Chemin faisant, de commentaires en digressions, il se révèle, dans ses rapports aux autres, à sa famille, à ses camarades, à ses supérieurs, et face à son interlocuteur même, comme un vieillard très malin — il faut être fin avec ces gens-là — qui vous explique aussi savoureusement les procédés pour faire pénétrer une mule rétive dans un wagon à bestiaux, que les raisons péremptoires qu'il a de ne pas croire en l'immortalité de l'âme. Le portrait que trace, de lui-même, ce paysan occitan illettré, est un document de choix pour les sociologues. Mais c'est aussi, c'est d'abord, une véritable œuvre de création. Création double : de la part de celui qui parle, et de celui qui sait inventer l'écoute.