À la frontière entre la philosophie et la théologie, cinq études, significatives du travail phénoménologique contemporain, composent Le monde et l'absence d'œuvre, dont l'unité est triple : thématique, elle est celle d'une interrogation sur le monde, un monde dont l'essentiel se joue peut-être dans les marges, là où s'ouvrent paradoxalement les modes les plus riches de l'expérience, et d'abord l'aise (étude I). Un monde perpétuellement déconstitué et reconstitué dans l'affect (études III et IV) – affect dont la vie n'est pas seulement mondaine, comme en témoigne l'œuvre d'art (étude III). Méthodique, elle est celle d'une recherche qui juxtapose questions supposées théologiques, et questions supposées philosophiques, et requiert d'être jugée à ses résultats. Ainsi, la question de l'avenir absolu de l'homme (étude II) n'est purement théologique qu'en défendant son propre logos, contre des philosophies que l'avenir absolu fascine elles aussi. Programmatique, elle est celle d'une tâche : en proposant la généalogie de philosophèmes et de théologoumènes qui ont préparé les chemins du nihilisme, c'est bien d'en sortir qu'il s'agit (y compris dans le champ de l'éthique, étude IV). Les interdits et les vieilles oppositions ne sont plus de mise en ces régions frontalières : les concepts, théologiques ou philosophiques, se jugent aux acquis que leur rigueur et leur précision permettent. Il n'y a pas plus de tournant théologique de la phénoménologie, que de virage phénoménologique de la théologie : il y a des histoires à comprendre (études II et IV) et des expériences à penser (études I, III et IV). Si la parole théologique se distingue pourtant de la parole philosophique, c'est en ce qu'elle est un dire pressé : la théologie vit d'une urgence – même si des délais lui sont concédés, ne fût-ce que pour s'acquitter de tâches herméneutiques (étude V). J.-Y.L.