Coménius (1592-1670) est universellement reconnu comme l'un des grands fondateurs de la science de l'éducation (le Galilée de l'éducation que célébrait Michelet) et comme le précurseur des grandes organisations internationales. Son œuvre est, cependant, plus rarement reconduite à sa pensée directrice : la restauration du paradis et la sortie de ce qu'il nommait lui-même le labyrinthe du monde dans une Europe marquée par la guerre. La constitution d'une science de l'éducation, et le projet final d'une réforme intégrale des affaires humaines, ne sont pas séparables de la promesse de la réalisation de toutes les fins que l'homme se propose dans un monde rénové, appelé à redevenir la cité universelle du genre humain. L'utopie éducative préfigurerait dès lors celle, théologico-politique, de la constitution finale d'un monde destiné à redevenir le paradis qu'il était. Bien que Comélius se défende de ne produire qu'une utopie dans le genre de celles qui ont précédé, la question est cependant de savoir si, pour reprendre le mot de Patocka, son œuvre n'est pas placée sous le signe de l'utopie de l'utopie prenant la forme d'une science et d'un système traitant intégralement de toutes les affaires humaines. La constitution d'une science de l'éducation a, de fait, pour objet la production méthodique de l'école nouvelle conçue comme atelier d'humanité et comme paradis renaissant. Il n'en ira pas autrement en ce qui concerne l'avènement d'une nouvelle politique universelle puisque, de l'aveu même de Coménius, il a manqué avant tout aux hommes une méthode de la production de la paix.