Gouverner ou juger ? Polémique et véhémente, l'accusation ressurgit régulièrement. La dénonciation du gouvernement des juges, ressuscite un spectre ou poursuit un mythe. Car nul ne sait bien ce que recouvre l'expression. Historiquement, elle énonce une situation. Intuitivement, elle esquisse une frontière. Politiquement, elle condamne une violation. Mais, inscrite dans l'Histoire, elle est datée, et ne peut être transposée en d'autres temps ni d'autres lieux. Enracinée dans les sentiments, elle ne peut être réfléchie, ni scientifiquement pensée. Soumise aux passions, elle est emportée au gré des circonstances, des majorités, des alternances et des courants. Il faut en reprendre l'analyse à nouveaux frais — et, la prenant au mot, la prendre au piège des mots qui la composent : gouverner et juger. Ce sont des mots qui, dans un État de droit, ont trait à la légalité, le premier au titre de l'action — elle s'inscrit dans la loi —, le second au titre de la sanction — elle doit se limiter à l'exécution de la loi… Mais qu'est-ce qu'exécuter la loi ?À travers le principe de légalité, et les rapports qui s'établissent entre la loi et le juge, cet ouvrage cherche un critère permettant de reconnaître quand il est légitime de parler de « gouvernement des juges » — moins souvent, sans doute, que ne le font beaucoup de ceux qui usent de cette formule.