Henri Michaux raconte comment, au cours d'une de ses aventures dans le dessin et la peinture, lui venaient, sur la page, des signes étranges, étrangement familiers, sortant tous du type homme. Dans des centaines de pages, un à un, comme énuméré, l'homme m'arrive, l'homme inoubliable (Émergences Résurgences). C'est cet homme surgissant un à un qui est considéré ici, à travers les œuvres des écrivains contemporains soucieux de décrire l'individu moderne dans sa singularité, dans son isolement, dans ses efforts pour se détacher et pour aller vers le grand jour : Michaux lui-même d'abord, chez qui l'individu est réduit à sa minceur essentielle sous le choc des drogues, ou face à la peinture qui lui apprend qui il est ; le romancier et enquêteur anglo-indien V.S. Naipaul, dont les héros, dans un monde divisé et confus, cherchent la voie de leur émancipation à l'égard des rites archaïques et des illusions modernes ; Salman Rushdie qui, à travers le libre jeu de l'imagination créatrice de formes et de récits, montre l'individu se créant lui-même à partir d'éléments empruntés à ses divers héritages. Ces études portent sur des écrivains qui sont, pour Pierre Pachet, des modèles ou des interlocuteurs plutôt que des objets d'étude. Car la littérature, dans cet essai souvent très personnel, engage à des questions auxquelles il n'y a que des réponses singulières : sur le destin et le sens de l'individualisme moderne, sur l'importance de la perception et de la description du réel, sur la voie française (l'indépendance, selon Frantz Fanon) ou anglaise (le self-government, selon Octave Mannoni) que peut prendre le mouvement de décolonisation des peuples et des individus.