Fou, coupé du monde, enfermé durant 37 années, voici Friedrich Hölderlin, sujet de ce livre. Écrivant tous les jours et pour rien, l'Histoire n'ayant que faire du bon usage artistique de la folie ; dialoguant à voix haute avec lui-même, quand il ne martèle pas furieusement son piano des heures entières devant sa fenêtre, au grand dam de ses hôtes, la famille du menuisier Zimmer ; invectivant contre les dieux et les hommes, lançant ses invocations au paysage et au fleuve, notant de brefs écrits, d'obscures parcelles par milliers ; faisant sienne, autant que ses forces le lui permettaient, l'imbécillité qu'on prête aux fous qui durent ; couvrant aussi le terrain alentour, à travers les champs plats et gris qui bordent le Neckar, de sa course de sauvage. Ce livre traite de cette seule période de sa vie. Il a donc fallu lire et relire Hölderlin, fouiller dans sa correspondance et dans les documents d'époque, reprendre les témoignages de ses rares visiteurs et, bien sûr, confronter les théories. Mais surtout : aller voir à Tübingen et laisser agir associations et fantasmes. Hölderlin, piétinant et forçant dans toute cette ouverture, est certes une figure exemplaire. Mais ce n'est pas un héros de plus, que la folie et la mort sanctifieraient. Il est là, planté debout, aberrant et solitaire, dans le temps comme dans l'espace. Et il dit NON !