Marjolin : ce nom sonne dans la mémoire comme une institution. Il évoque, associé à Jean Monnet, le Plan – cette planification à la française, dont de Gaulle fera une « ardente obligation ». L'Europe, quand elle était encore une aventure. Toute une génération, enfin, presque mythique, de « grands serviteurs de l'État » et d'hommes politiques de la IVe République, injustement décriés ou oubliés, qui, marqués par le cauchemar des années Trente et la défaite de 1940, ont reconstruit la France, au fil d'années grises, prosaïques, que l'essoufflement de la croissance a fait, depuis, découvrir ou réhabiliter sous le titre à succès des « Trente Glorieuses ».Robert Marjolin, c'est en effet tout cela : le travail, opiniâtre, inlassable d'une vie. Mais une vie des plus singulières, qui voit un petit grouillot, passionné d'apprendre, découvrir, grâce à une bourse, l'Amérique de Roosevelt, puis devenir l'un des proches collaborateurs de Léon Blum pendant le Front populaire, dont il condamne les erreurs économiques. Suivent la guerre, la France libre, une destinée européenne et internationale, qui s'achèvera par la découverte et la pratique des affaires dans le monde pétrolier en crise des années soixante-dix. Derrière la figure, rare, d'un intellectuel d'action, on découvre ici un grand homme, un de ceux à qui la France doit de n'avoir pas désespéré au cours d'une des périodes les plus éprouvantes de son histoire.