« Ta bouche à mes mots donne un sens », dit le poète à celle qui l’inspire, femme incarnée mais aussi ressemblance. Mouvements de mémoire, de présent, de lecture, de sang sont inclus dans les mots - à la fois égarés et renaissants sans cesse - avec « l’instant de vivre » qui les saisit, les restitue au jour comme une réalité plus haute. Le poète sait s’immerger dans le langage, non sans un certain plaisir à l’obscur qui s’explore lui-même dans la mise à nu de son itinéraire. Le doute, l’ironie, la simulation, l’errance - autant que l’émotion - deviennent comme des partenaires. Le dédoublement d’elle et de lui — dans ce qui est autant un plaisir à la littérature qu’un éloge du couple — donne une saveur plurielle à la distanciation. Yves Mabin-Chennevière appelle un monde lu par nos corps, afin qu’uni au silence, il puisse « recréer le langage », occasion d’écarter les limites du temps et de l’espace. Mais il lui arrive aussi d’accepter d’être « corrompu d’éternel ». Un équilibre à vivre est ainsi proposé par l’acte d’écrire et d’aimer.