Je chante, je meurs. Je meurs en chantant. Je chante à en mourir. Voilà tout l’opéra. Il est né il y a quatre siècles, à cet instant de l’Orfeo de Monteverdi (1607) où se prononce cette phrase : É morta ! Son histoire est celle d’un deuil impossible. Faire revenir la Prima Donna, retrouver la voix perdue, franchir le Léthé séparant le langage de la musique. Chaque opéra illustre ce mythe et ce chagrin. Tout comme le jeu d’Orphée arrache la morte aimée à la captivité des Enfers, l’opéra, en élevant son chant des mots et des morts, transporte ses personnages au-delà de leur destin. Fatale maladie, il s’adresse au plus obscur, au plus tendre, au plus sinistre de nous-mêmes. Il éveille l’enfant méchant, excite le despote terrorisé, émeut le délaissé anéanti. Il chante la douleur de désirer. Michel Schneider a écrit sur la musique : Glenn Gould, piano solo, La Tombée du jour, Schumann, Musiques de nuit et sur la psychanalyse : Blessures de mémoire, Voleurs de mots. Il a été de 1988 à 1991 directeur de la musique au ministère de la Culture et a publié La Comédie de la culture.