Ce jardin est à la fois réel et symbolique ; il existe, dans son naturel un peu sauvage mais harmonieux, saisi dans les détails concrets qui dénotent une attention constante au mystère quotidien des choses. Ce jardin est lié aux images heureuses de l’enfance, aux émois du premier amour, également aux mélancolies d’une âme inquiète, qui préfère - aux couleurs éclatantes - le gris de la fumée, de la brume, du tison qui se meurt. La finesse des observations, au cours des saisons et des heures, se poursuit dans les notations tendres et délicates sur la rencontre de deux êtres, leurs découvertes, leurs échanges, cette flambée d’espoir et de fidélité capable de retenir « le bonheur qui s’enfuit ». La partie la plus originale du livre est une symbolique des chiffres, qui donne lieu à des portraits où le réalisme cohabite avec la fantaisie. Non moins réussies, les descriptions de tableaux aimés de la Primavera à Guernica, où les impressions ne sont jamais banales, vues d’un regard « lucide et connaisseur », comme le dit Miréio dans sa chaleureuse préface. Le poème, d’un classicisme exact mais souple, unit la technique d’un Hérédia à la musicalité d’un Verlaine, je n’exagère pas.