Avec "Le livre des blessures", la poésie de Jean Marcenac - sous les apparences du lyrisme le plus égoïste - s’offre, tendue comme un miroir, à cette génération qui approche aujourd’hui la soixantaine. On ne trouvera pas ici, à proprement parler, un recueil de poèmes, mais un unique poème, quarante ans continué, dans lequel - autour des thèmes de Lautréamont : le bien, de Don Juan : l’amour, de Rimbaud : la nécessaire transformation du monde — s’agrègent et s’entrelacent, en un foisonnement baroque et rigoureux à la fois, vers, proses, statistiques, récits, réflexions sur l’histoire, la poésie, le langage, autobiographie, parodies, portraits d’amis, chansons, grimaces auxquelles le poète demande de lui révéler, avec son visage, celui des hommes de son temps. Un temps dont ce livre, à sa façon, pourrait bien constituer La Confession d’un adulte du siècle. Le constat est sombre, l’espérance invincible. Et, dans ce poème au ton si souvent désolé, on entend le peuple et la jeunesse qui tapent d’un pied impatient. Tout naturellement, comme un témoignage de fidélité de l’homme vieillissant au jeune poète, s’est intégrée à ces pages La marche de l’homme publiée en 1949, aujourd’hui introuvable, et qui est un des textes importants de la poésie d’après-guerre.