C’est un pêcheur à la ligne, insolite mais authentique, qui s’exprime d’une plume alerte, piquante comme l’hameçon. Je ne vois guère que Melville ou Hemingway, pour passer ainsi, sans soubresauts, de la langue du pêcheur à celle du moraliste, du métaphysicien — ou, si l’on préfère, à ouvrir à la technique les horizons de la culture. Dans cette solitude, autant que l’eau, le silence est l’élément du pêcheur. Mais ce n’est pas le silence bougon, animal, du maniaque à l’affût, crispé sur le vide de son attente. C’est ce fertile silence que Jérôme Favard, au cours de tant de livres, ensemence largement de rêves, d’images, de souvenirs, et ouvre tout grand aux poètes, aux peintres, aux philosophes... Cet univers de la pêche au coup, bien loin d’être lui-même reclus, par la grâce de Jérôme Favard, devient figuratif et synonymique. Il veut tout dire. Tel est le miracle d’une gentillesse — je donne le mot au sens fort — d’une gentillesse donc, et d’une finesse d’esprit assez rare, qui s’amuse du calembour — et pourquoi le mot du pêcheur ne ferait-il pas mouche ? — en même temps qu’elle réhabilite la cuisine comme un art majeur, et la finalité, en tout cas, de la pêche...