Tout commence dans les ruines. Paris se décompose, émeutes et grèves en ont fait un immense chantier envahi de détritus. La Gauche au pouvoir, la réaction fasciste n’a pas tardé : attaques des “vareuses grises”, coups de force, ratonnades... Tout crève. Tout pousse aussi dans le cœur d’un foyer d’immigrés, où l’on se retrouve, où l’on se réchauffe en évoquant le pays, les souvenirs, les histoires, comme jadis le conteur du village... Surgissent ainsi, rêve et réel mêlés, Tiam l’Africain, Salah le cuistot du foyer réduit à chasser les pigeons, Moussa et son piano à queue, Pedro le Portugais, qui se jeta du haut de la tour Maine-Montparnasse pour faire rire les camarades, l’oncle Slimane, l’ancêtre, l’irréductible. Hassad, accroché à ses traditions et à sa mosquée-Beaubourg. Et Abdallah le Marocain. Et Zoubir, qui dort avec un marteau-piqueur dans la tête... L’homme qui enjamba la mer, c’est lui, c’est chacun d’entre eux. Tout ce petit peuple occulté du Quart Monde bellevillois, tous ces hommes qui débarquèrent en France pour construire le “Paris de l’an 2000”, les Beaubourg et autres tours du Maine avec, pour seul bagage, leur culture, leurs traditions, et qui — un jour — repartiront tout pleins du formidable rêve qu’ils auront tissé. Une fois encore, ils enjamberont la mer, laissant derrière eux les décombres d’une civilisation — la nôtre — qui achève de se défaire.