Dans un pays à la fois réel et mythique, trois frères représentent le destin, dans toutes ses possibilités, ses caprices, ses contradictions. André est l’incarnation de la grâce physique et de la cruauté du pouvoir. Tout lui est bon pour convaincre : peu importe quoi ou qui. Il veut posséder, aussi bien la terre que les êtres. Pour que nul ne conteste son ascendant, il se fait même l’amant de son frère Paul, jusqu’à causer sa mort par maladie contagieuse. André ou l’affirmation de soi, criminelle. Paul, lui, est toute soumission et rêverie. Il voudrait que la justice règne, il se laisse conduire. Plaire, donner sa force et son amour lui suffisent : s’il meurt, c’est qu’il incarne à la fois l’innocence et la passivité. La vie ne lui pardonne pas de l’accepter à si bon compte. Thomas, l’aîné, se veut à l’écart ; revenu de captivité, il ne demande qu’à y retourner en esprit. Qu’on lui offre un bout de terrain, il y sera heureux, et ne se mêlera de rien d’autre. Son âme est restée concentrationnaire. Roman bucolique ? À condition que le lecteur sache extrapoler. Parabole ? À condition que le lecteur sache mettre un peu de boue et de sang dans cette “moralité”, où la haine et le dégoût côtoient si bien la poésie et le sentiment de la délivrance. Un livre qui dérange et qui séduit.