Le Blocus des neiges

Depuis quelques instants, dans le silence absolu et l’obscurité profonde, la messagerie des Sierras gravissait la pente conduisant au sommet de la montagne. La masse opaque et confuse de la voiture, se balançant sans bruit sur ses ressorts, semblait glisser et monter comme si elle obéissait à quelque mystérieuse impulsion, et paraissait n’avoir aucun rapport matériel avec les chevaux invisibles qui la précédaient. Les hauts troncs d’arbres, au bord de la route, s’approchaient subitement de la portière pour s’éloigner aussitôt précipitamment, et se détachaient seuls, un moment, de la nuit environnante, mais d’une façon si fantasque et si intangible qu’ils auraient pu passer pour de vagues fantômes évoqués en rêve par les voyageurs assoupis.

Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIX^e siècle.