« Plage de Royan 1953 (écrit au dos au crayon à papier) : j’ai deux ans et Belle sept. Une étendue de vase à l'infini. Les deux sœurs, deux silhouettes qui se tiennent par la main. Mêmes maillots une pièce en coton cloqué, mêmes sandalettes en caoutchouc, même canotier de paille. Deux fillettes dont les vêtements jumeaux rendent flagrante la terrible dissemblance : l’une est grande, l’autre petite ; l’une longiligne, l’autre bouboule bas du cul ; l’une parfaite, l’autre mal finie.Sur cette photo, ce qui m’a longtemps torturée, c’est mon œil gauche dévié, bien discernable malgré l’ombre portée du chapeau : le disque sombre de l'iris collé à la caroncule lacrymale, comme si, indépendant, il cherchait obstinément à distinguer une aspérité ou quelque insecte sur l'aile du nez tandis que l'œil adelphe, incliné vers le sol, fuit l’objectif.[…] »Deux sœurs. Deux enfances opposées. Freddie, la cadette, subit, tandis que son aînée écrase le monde de sa superbe. Les années passent, la vie continue, jusqu’au jour où Belle tombe gravement malade. C’est pour elle le début du déclin – et pour Freddie, peut-être, l’heure de la renverse.