L’année 2016 a été consacrée comme celle de la « post-vérité ». Que faut-il comprendre par ce terme ? Selon le dictionnaire d’Oxford, qui en a fait son mot de l’année, le terme désignerait des « circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour former l’opinion publique que l’appel à l’émotion et aux croyances personnelles ». Ce livre prend le parti de retourner à la source de cet état des lieux et l’identifie dans le concept de « bullshit » théorisé par le philosophe Harry Frankfurt en 1986. Ce qu’il a défini comme une « indifférence à l’égard de la vérité » distincte du mensonge s’avère en effet un outil conceptuel remarquablement efficace pour saisir comment l’opinion prétend l’emporter sur la vérité et pour comprendre le succès des impostures scientifiques et des « théories du complot ». L’ère de la post-vérité est bien celle du bullshit institué à une échelle globale, et seule une compréhension fine de ce phénomène permettra d’engager la lutte qui se prépare. Heureusement, une telle science du bullshit est en fait déjà disponible, mais il restait à l’assembler en un seul volume accessible, utile et stimulant.