Pourquoi l’activité scientifique est-elle conflictuelle ?
Brisant l’image idéale de la science consensuelle, les controverses scientifiques sont aujourd’hui devenues un sujet privilégié de la sociologie et de l’histoire des sciences. Elles sont par ailleurs impliquées au cœur des débats sur les méthodes des sciences sociales. Si l’analyse des controverses scientifiques doit beaucoup aux approches inaugurées par les courants relativistes et constructivistes des années 1970-1980, ce livre montre que les études contemporaines ont tout à gagner à réintroduire ce qui a été le principal tabou des trente dernières années : la vérité. Cette conclusion n’est pas le résultat d’une méditation abstraite sur le destin de la sociologie et de l’histoire des sciences. C’est le résultat d’études de cas, portant sur des disciplines telles que la biologie (la thèse des générations spontanées, débattue entre Pasteur et Pouchet), de la médecine (le vitalisme opposé à la médecine expérimentale naissante), de la stéréotomie (les « Guerres perspectives » qui ont agité le Paris des années 1640), de la perspective (la mathématisation de la perspective linéaire dans l’Italie du XVIe siècle) ou de l’optique (la question de l’intromission, discutée à Oxford). L’auteur défend une théorie incrémentaliste du progrès scientifique : pour autant qu’il suive des règles, le débat est un moyen pratique de tester la robustesse d’une théorie et de départager les théories rivales. Le fait que les débats soient marqués par la passion et les émotions est sans intérêt ; l’important est que ces échanges réglés puissent, par la production d’arguments publics, s’approcher de la vérité. C’est une façon de répondre à la question : Pourquoi l’activité scientifique est-elle conflictuelle ?
Plongez dans cet ouvrage qui cherche à interroger les rôles de la rationalité, des conventions et des croyances collectives dans la construction des théories scientifiques.
EXTRAIT
Cette corrélation entre le style de raisonnement, la formation, et le type de comportement social du chercheur n’est pas pour surprendre. Toutes proportions gardées, Terry Shinn (1980) a observé qu’il existe une correspondance entre la formation reçue par un chercheur et le mode de comportement social qu’il adopte par la suite. Les contextes de production scientifique sont sans doute trop différents pour extrapoler les résultats de Shinn à la controverse entre Pasteur et Pouchet, mais sa démonstration éclaire le type de relations que l’on est en droit de rechercher à partir des « styles de raisonnement ».
À PROPOS DE L'AUTEUR
Dominique Raynaud enseigne à l’Université de Grenoble Alpes. Architecte de formation, sociologue et historien des sciences, il a consacré l’essentiel de ses recherches à la géométrie, à l’optique, à la perspective linéaire et aux sciences de la conception, en étudiant notamment les relations entre théorie et pratique (mathématisation et application). Parmi ses productions récentes : Géométrie pratique. Géomètres, Ingénieurs, architectes, XVIe-XVIIIe siècle (Besançon, 2015, livre collectif); Scientific Controversies. A Socio-Historical Perspective on the Advancement of Science (New Brunswick, 2015) qui cerne les limites de la sociologie des sciences relativiste-constructiviste à partir de documents d’archives; Optics and the Rise of Perspective. A Study in Network Knowledge Diffusion (Oxford, 2014) qui explore la diffusion de l’optique dans le réseau des universités médiévales; La Sociologie et sa vocation scientifique (Paris, 2006) qui est une étude d’épistémologie comparée des sciences naturelles et des sciences sociales. Il est également l’auteur d’articles dans Annals of Science, Archive for History of Exact Sciences, Early Science and Medicine, Historia Mathematica ou Physis.