Le religieux est avant tout chez Bergson l'expression d'une réaction ou l'effet d'une résistance à l'intelligence, à l'égoïsme, à la solitude, à la peur ou à la crainte. C'est pourquoi la théorie du religieux chez ce philosophe révèle d'une "théorie des sources" impliquant plusieurs niveaux de compréhension du fait religieux : le mystique, le biologique, le psychologique, le métaphysique et le sociologique. Le religieux, qu'il s'exprime dans les sociétés dites primitives ou dans les âmes exceptionnelles des mystiques, se situe hors de l'intelligence, soit du côté de la nature et de l'instinct, soit du côté d'une intuition ou d'une émotion particulières. Il se manifeste donc à travers une exigence épistémologique concrète de "sympathiser" avec le réel : d'où la nécessité de "retourner aux faits" et de traiter le fait religieux comme des faits "socio-psychiques", selon la terminologie de Durkheim. La séparation entre sociologie et philosophie, revendiquée par Durkheim au titre de l'instauration de l'autonomie de la sociologie, est ainsi remise en cause par Bergson dans Les Deux Sources de la morale et de la religion.