Aurore est toujours si gaie ! Dès sa tendre enfance, elle a su qu’il lui faudrait vivre pour deux, compenser par son exubérance et sa santé insolente la naissance, deux ans avant la sienne, d’un enfant « différent ». Même si le mot n’est jamais prononcé, Lucas est lourdement handicapé. Leurs parents donnent le change, gardent pour eux ce malheur face auquel personne ne sait vraiment comment se comporter et Aurore, qui s’accroche à l’idée d’une guérison possible, grandit comme si de rien n’était. D’autant que Lucas est élevé par leurs grands-parents, dans une maison proche de la mer, où on ne le promène que hors saison et dans des lieux peu fréquentés. Pour décrire la détresse de cette « enfant de remplacement », qui très vite devient plus grande que son frère, mais aussi l’amour fou qu’elle lui porte et son appétit de vivre, Arièle Butaux trouve des mots d’une justesse tranchante. La ligne claire de ce magnifique roman, aussi dense qu’il est bref, est celle d’une émotion contenue, permettant d’approcher avec une extrême pudeur le cratère abyssal d’un chagrin qui n’a pas de nom, le « mal de frère », mais également de dire les liens indéfectibles d’une famille soudée par un amour immense.