Que dire à l’ami fraternel qui, depuis le 7 octobre, reprend et diffuse une propagande antisémite ? Que dire à l’apostat qui, soudain, se met à défendre le Hamas ? Que dire au féministe qui consent au viol des Israéliennes ? Que dire à l’homosexuel qui serait jeté d’un toit dans la bande de Gaza mais persiste à se tromper d’ennemi ? A quoi bon l’opposer à lui-même ? Pourquoi s’adresser encore à celui dont on n’attend plus rien ? Parce qu’on n’est pas frères impunément et qu’à défaut de réponse, dans ce conflit qui sectionne l’affection, certaines paroles méritent d’être dites. Voici dix lettres sombres et désespérées, mais précises, comme autant de bouteilles dans le Jourdain. Qui parlent de haine, de mort, d’identité, de lâcheté, de génocide (imaginaire ou non), mais aussi de plaisirs vivaces et de conversations perdues, de l’affection qui demeure et d’une amitié dont l’ombre portée continue, malgré l’horreur, d’irriguer le décor. Raphaël Enthoven est écrivain et philosophe. Il est notamment l’auteur de L’Esprit artificiel.