"Vraisemblablement, sans André Breton, n’aurions-nous jamais vu combien le commencement de tout ce qui nous importe est lié au désir. Autant au désir de ce qui est autre qu’au désir de l’autre, rien ne va plus à l’encontre du monde qu’on est en train de nous imposer. C’est pourquoi, comme en écho à ce que j’avançais il y a trente-trois ans, il ne m’a pas paru inutile d’ajouter à titre d’illustration cinq textes écrits au fil du temps. Qu’il s’agisse, à propos de Nadja, des immenses et inquiétantes volutes du hasard et des rues qui sculptent nos destins, qu’il s’agisse, avec René Crevel, de la vie se perdant pour se trouver dans ses élans insensés, qu’il s’agisse des plus violents déchirements du temps chez Leonora Carrington, aucun ne se ressemble, mais tous ont en commun d’avoir été partie prenante du pari éperdu que le surréalisme aura fait sur l’amour se confondant alors avec la poésie comme puissance d’ébranlement." Trente-trois ans plus tard, cet essai incisif et brillant conserve toute sa pertinence, surtout dans la perspective du centenaire du Manifeste du surréalisme. Pourquoi sommes-nous incapables d’appréhender ce mouvement en dehors de célébrations culturelles ? Aujourd’hui que nous voilà pris au piège de millions d’images, aurions-nous oublié qu’il s’agissait d’abord et toujours de refuser ce qui nous empêche d’être ? Révolte indissociable des sources vives de la poésie, comme Annie Le Brun nous le rappelle, en se faisant l’écho du grand questionnement surréaliste : « La médiocrité de notre univers ne dépend-elle pas essentiellement de notre pouvoir d’énonciation ? »