Le terme de représentation est tombé dans un discrédit à peu près général. Synonyme de remplacement d’une chose ou d’une personne par une autre, utilisé aussi comme équivalent d’image ou de copie mentale d’une chose réelle, il serait l’obstacle qu’il faut contourner pour rendre compte de l’appartenance de l’homme à l’Être qui ne se laisse pas représenter mais penser. Prenant le contre-pied de cette interprétation, ce livre s’emploie à montrer que l’acte de représenter une chose par une autre (un événement ou une situation par une figure, par un récit, par un tableau, une carte, etc.) est toujours un acte de se représenter par lequel la pensée s’approprie un donné extérieur à elle et en fait un objet pour l’entendement. Ainsi la possibilité de regarder une chose autrement que comme elle se donne dans l’expérience directe est-elle la condition de la liberté de l’esprit, aussi bien vis-à-vis des choses qu’il perçoit comme extérieures à lui que vis-à-vis des autres hommes sur la scène sociale et surtout vis-à-vis de lui-même. Le but du livre est de montrer que seule la représentation de soi, seul cet éloignement du soi réalisé par le regard de la pensée, institue un rapport réglé et libre de soi avec soi-même comme avec les autres.