Petite agitation au bar littéraire avant-hier. Quelqu’un a remarqué la désignation auteur sans e au bout de mon nom. Avais-je définitivement adopté le masculin ? Allais-je prendre des hormones, subir les chirurgies ? Avais-je songé à la transformation littéraire ? Aux pronoms ?France Daigle nous raconte comment le projet est né en elle d’écrire un livre-fable, un récit à la fois excentrique et concentré, qui se présenterait comme une évidence. Mais le livre se refuse à elle jusqu’à ce que deux événements viennent bouleverser son quotidien. Il y a d’abord l’acceptation de sa nouvelle identité de genre et sa décision de reconnaître sa transition vers le masculin. (Ma masculinité de salon commençait-elle donc à transparaître ? Cette masculinité, je n’arrivais pas à savoir si elle était réellement là ou si, tout simplement, je la désirais ou l’imaginais. Était-ce moi qui aspirais à elle ou était-ce elle qui m’aspirait ?)Puis la fable lui arrive enrobée d’une personne, en l’occurrence une femme. (Je n’y croyais pas, aux muses. En tant que femme, je les pensais de simples figures symboliques plutôt inoffensives, à peu près l’équivalent d’un lutin pour un enfant. Aujourd’hui, en tant qu’homme, je suis absolument prêt à prendre au sérieux cette muse inoffensive.)C’est avec un immense plaisir que nous retrouvons dans Petit crayon pour faire mine l’humour et la soigneuse construction qui faisaient tout le prix de Pour sûr. France Daigle poursuit ici son exploration des frontières et des oppositions – français/anglais, fille/gars, vivre/écrire, Acadie-Amérique/France-Europe –, autant de fantasmes qui sont, pour nous, humains, à la fois porteurs et barrages.