Malgré le bavardage entourant la «?question?» de la prostitution, il semblerait que méditer la nature de la putain n’ait jamais suscité l’intérêt. Depuis toujours, ce n’est pas des putains que l’on parle, mais du «?problème?» qu’elles suscitent. Et s’il n’y avait ni «?question?» ni «?problème?»?? S’il n’y avait que des êtres, dont la particularité est de perturber les simples idées de «?question?» ou de «?problème?»?? Chaque fois qu’une putain entre dans un lieu, ce sont en réalité toutes les questions et tous les problèmes qui se trouvent affolés. Qu’est-ce que l’art?? Qu’est-ce que l’argent?? Qu’est-ce que le travail?? Qu’est-ce que la police?? Qu’est-ce qu’un sujet??Au contact avec les putains, les interrogations paraissant les plus légitimes se trouvent soudain compliquées, et les réponses usuelles ridiculisées. Parce que les putains sont une figure?: la figure de la vérité – et de ce qui, en elle, est insupportable aux forces de l’ordre, aux tartufes et aux gouvernements. Oui, les putains sont le visage même de la métaphysique.Laurent de Sutter est philosophe et directeur de la collection «?Perspectives critiques?» aux PUF. Il a notamment publié Théorie du trou, chez Léo Scheer, en 2013.