"Je sais bien ce que je fuis, mais non pas ce que je cherche", expliquait Montaigne à propos de la longue chevauchée qu’il fit à travers l’Europe en 1580. Gaspard Kœnig aussi sait ce qu’il fuit : les injonctions permanentes des gouvernements et des algorithmes. Il s’est donc lancé sur les traces de Montaigne, en suivant le même itinéraire, avec le même moyen de transport : un cheval, ou plutôt une jument, Destinada. Pour rejoindre Rome, le cavalier et sa monture ont parcouru 2 500 kilomètres pendant cinq mois, passant par le Périgord, la Champagne, les Vosges, la Bavière, la Toscane… Toquant aux portes pour trouver gîte et couvert, parcourant les campagnes mais aussi les zones commerciales et les centres-villes, l’écrivain a eu tout le loisir de "frotter et limer sa cervelle contre celle d’autrui", comme le recommandait Montaigne. Dans cette plongée au cœur des territoires, la générosité et l’hospitalité sont presque toujours au rendez-vous. Au rythme du pas, notre modernité révèle ses vertus et ses travers. L’occasion pour l’auteur de renouer avec certains thèmes chers à Montaigne : la relation entre l’homme et l’animal, l’art du dépouillement, les conflits religieux, la diversité des cultures ou les leçons de la nature… Au fond, que Gaspard Kœnig pouvait-il bien chercher dans un tel vagabondage, sinon la liberté ? La sienne, celle que l’on cultive dans cette "arrière-boutique" où se réfugiait Montaigne. Mais aussi la nôtre, exigence politique plus contemporaine que jamais.