Nous n’aimons pas les obstacles. Nous les voyons comme des empêchements. Ils nous feraient perdre du temps, mettraient en danger notre vie. Pourtant, les obstacles ne sont pas que des défauts à éliminer : ils sont aussi une des composantes essentielles de nos mouvements et de notre existence. Dès qu’il est question de rester ou de passer quelque part, de trajet ou de migration, de frontière ou de mur, mais aussi de corps-à-corps, de contact entre les chairs, d’épreuve, il y a toujours quelque chose, ou quelqu’un, ou une foule, qui fait obstacle et qu’on ne peut effacer. Pour Jérôme Lèbre, cette omniprésence oblige à poser une question d’une importance capitale : et si le monde était avant tout la somme de ces obstacles ? Et si, par conséquent, plutôt que de les ignorer, il s’agissait avant tout d’apprendre, en les contournant et les surmontant, à en devenir un soi-même – à devenir une résistance aux mouvements d’appropriation ou de destruction ? Et si, en somme, il n’y avait rien de plus politique qu’un obstacle ? Car penser l’obstacle, c’est aussi penser une manière nouvelle de repartir – malgré tout.