Au sein du vieux couple spirituel/temporel, Dieu l’emporte ordinairement, César faisant plutôt figure d’entrave à l’élévation des âmes. Cependant, la quête d’un «royaume qui n’est pas de ce monde» s’accompagne, dès les origines, d’une véritable réussite matérielle de l’Église terrestre. Contradiction avec l’idéal initial? Certes non, puisque cette manne doit être partagée avec les pauvres considérés comme autant d’images de Dieu... Ce bel évangélisme se heurte à la réalité de l’institution. L’Église est en rivalité avec le Pouvoir pour la domination du monde. Les questions que cet affrontement pose sont multiples. Au nom de quels principes le pouvoir spirituel peut-il commander? Avec quelles forces? À quoi peut bien servir un pape? Pourquoi les richesses de l’Église échapperaient-elles à un pouvoir civil toujours plus autoritaire et impécunieux? Après les grands affrontements médiévaux du Sacerdoce et de l’Empire, se met en place, dans la France d’Ancien Régime, une solution dite «gallicane» qui fait du Roi Très Chrétien le véritable chef de l’Église nationale. Cette «alliance du trône et de l’autel» placera la gestion temporelle en son centre, si bien que l’un sombrera avec l’autre à la Révolution. Avec le rappel de ce parcours temporel, cet essai veut constituer le contrepoint d’une histoire religieuse qui le minimise trop souvent, afin de mieux mettre en lumière les conditions matérielles d’un essor spirituel et artistique sans pareil.