« Marjorie, je vous sais occupée, mais je vous ai vue. Rassurez-vous, cependant, je n’ai rien vu. Rien. J’ai un besoin urgent de vous parler. Quand vous aurez fini, prenez votre temps, ces choses-là ne doivent pas être précipitées, les femmes actuelles ont besoin d’accomplissement, j’y souscris, bien que cela vire au diktat ces temps derniers. J’aimerais néanmoins que vous me consacriez cinq minutes. J’attends. Terminez tranquillement… Prenez votre temps, Marjorie, les plaisirs de la vie sont fugaces, il faut savoir en profiter, ne pas les gâcher, Marjorie, allez-y, allez Marjorie, jouissez, sans entraves comme on disait dans le temps, vous ne serez pas toujours jeune, alors, oui, jouissez, jouissez et cueillez votre jeunesse. Mignonne ! » Marjorie n’avait plus froid. Au huitième « jouissez » hurlé dans sa ruelle, à la vue des fenêtres s’ouvrant les unes après les autres, elle crevait de chaud. Elle se demandait comment arrêter Bertrand qui déclamait maintenant du Ronsard à pleine voix tout en se frictionnant les mains de gel. Ouvrir la fenêtre, c’était s’humilier publiquement. Se lever, c’était être aperçue de tous. Elle rampa jusqu’à la porte, attrapa son portable au passage et, tout en ouvrant la serrure, lui envoya ce texto lapidaire : « Entrez ! »