Seuls les rares étrangers, qu'on dérisionnait sous le vocable d'"emmenés-par-le-vent", à s'aventurer dans cette partie du quartier des Terres-Sainville, parfois cognaient, en vain, sur la porte d'entrée en quête d'une chambre. Inévitablement, ces pauvres bougres étaient accueillis par les braillements d'une plantureuse négresse, qui bordillait la cinquantaine, Man Florine, celle-ci trouvant là l'occasion d'étaler sa défiance envers la gent masculine et de l'univers entier tout à la fois : "On veut quoi ? Y a pas de chambres pour baiser ! Ce sont des gens de bien qui habitent ici ! Si vous cherchez une catin, allez donc à la Cour Fruit-à-Pain !" Construit en 1922, propriété de trois sœurs békées, l'Hôtel de la Charité Saint François de Sales – premier nom de l'Hôtel du Bon Plaisir – accueillait d'abord les nécessiteux de Fort-de-France. Puis il devint une maison de tolérance. Désormais, l'Hôtel du Bon Plaisir est un immeuble locatif presque comme les autres, qui abrite des personnages pittoresques : un clarinettiste émérite, un entrepreneur, un avocat ruiné par les dettes de jeu, une famille d'hindous échappée des plantations de canne à sucre, un Syrien énigmatique, sans oublier la truculente Man Florine... En narrant l'histoire mouvementée de la construction de cet hôtel, Raphaël Confiant raconte celle de ses habitants, véritable microcosme de la société créole.