On en voit, dans le métier, des physiques exceptionnels et des visages saisissants. Lui, Lockhart, c’était autre chose. On voulait entrer dans sa lumière, dans sa sphère, on voulait le prendre dans ses bras et sentir comment c’était d’être dans ses bras. Ce je-ne-sais-quoi qui fait la différence entre un grand acteur et un génie, il l’avait. À l’époque, on appelait ça le it – tu l’avais ou pas. It, c’était le pouvoir de séduire les deux sexes en toute innocence, sans rien faire, juste en étant là. Un sortilège. 1948, Arizona. Quand Paul Young rencontre Bob Lockhart sur un plateau de cinéma, l’évidence saute aux yeux de tous : les deux hommes seront bien plus que de simples partenaires de jeu. Espionnés par les studios, la police des mœurs et la presse à scandale, les amants vivront sept années de passion, jusqu’à ce que Paul regagne le rang. Le voici cinquante ans plus tard, devenu sénateur et patriarche, qui joint sa voix à celles de deux autres inconditionnels : l’actrice Joanne Ellis, longtemps éprise de Bob, et Lenny Lieberman, l’agent presque frère. Émus, émerveillés encore, ils tissent à eux trois la légende de Lockhart. Toute histoire d’amour est aussi l’histoire d’un monde, nous dit Gilles Leroy : ici, une Amérique brillante, convulsive, déchirée entre avant-garde et cynisme, soif de liberté et répression.