Sa mère, ses amis, la médecin qu’elle consulte, personne ne la comprend : depuis cinq ans, Alice est enfermée dans la conviction qu’elle sauvera son compagnon de lui-même grâce à leur amour immense. Tout est dit dès le début de ce roman magistral : Alice vit sous emprise.Mené tambour battant, ponctué de trouées de lumière, même dans les scènes les plus sombres, ce livre nous conduit sur des chemins absolument inattendus : sommée de trouver du travail, Alice, qu’entrave une timidité maladive depuis son arrivée à Paris à dix ans, après une enfance radieuse au Guatemala, et dont le CV est inexistant, n’essuie que des refus. Elle répond pourtant à une ultime petite annonce : « L’association diocésaine de Paris recrute un(e) assistant(e) pour le promotorat des causes des saints. » À sa grande surprise, l’évêque responsable l’embauche, trop heureux d’avoir enfin trouvé quelqu’un pour remettre de l’ordre dans les dossiers en attente.La voilà embarquée, et nous avec elle, dans un univers dont elle ignore tout : il s’agit, comprend-t-elle, d’instruire des candidatures à la canonisation, première étape d’une procédure qui doit s’achever à Rome, si elle n’est pas interrompue avant, tant les conditions suspensives sont nombreuses et complexes. Aidée par des collègues d’une bienveillance sans limites, elle découvre alors l’audace et la folie des vies de ces « serviteurs de Dieu », « vénérables » ou « bienheureux » qu’il s’agit d’évaluer et dont Tiffany Tavernier ponctue son récit, illuminant dans le même mouvement son texte et le quotidien de sa protagoniste.À la faveur d’extraordinaires rebondissements, la puissante romancière invite le monde extérieur dans la bulle de déni où s’est réfugiée Alice, l’autorisant à se frayer un chemin vers sa propre vérité. Ce n’est pas là la moindre surprise du formidable portrait de femme qu’elle nous offre, elle qui ne cesse d’interroger l’infinie capacité de l’être humain à renaître à soi et aux autres.