« Au lieu d’écrire une préface ou une postface, au lieu de dire : voilà, nous avons mis six ans à écrire cette histoire, avec de longues interruptions, bien sûr, mais en écumant, au fur et à mesure de nos deux vies, parallèlement, le meilleur de nos émotions pour en faire vivre nos deux personnages – et rêver sans contrainte à une histoire idéale –, nous avons pensé qu’il serait mieux d’y faire entrer le lecteur de plain-pied, un peu comme dans un roman, puis de lui dévoiler certaines des notes que nous avons prises l’un et l’autre, pendant ces six ans, pour lui montrer comment l’histoire s’était construite, comment nous nous étions accordés ou opposés, comment d’un récit entier il ne pouvait subsister qu’une seule réplique, et aussi comment, quand notre histoire était en panne, nous avons dû la relancer par la lecture de maîtres secrets, Dostoïevski, Genet, Borges, Pavese ou Arenas. En publiant ces notes, souvent intimes, nous ne voulons pas être les prestidigitateurs qui retournent leurs accessoires, mais plutôt laisser à la surface de la toile les quelques coups de pinceau rugueux qui ont fait le travail.Des treize versions successives, nous avons gardé celle qui nous semblait la plus linéaire, celle dont la forme s’approchait le plus d’un roman. Maintenant, nous serions bien incapables de dire qui a écrit quoi : nous nous sommes tant et tant de fois raconté l’histoire l’un à l’autre que nous en avons oublié les coutures. Il y a des scènes entières qui ont été écrites par l’un et acceptées d’emblée par l’autre, d’autres écrites par l’un et réécrites par l’autre, enfin des phrases dont le premier mot a été écrit par l’un et le second mot par l’autre et le troisième par le premier, et la quatrième par le second... Le film ne ressemblera pas au livre, ou le livre ne ressemblera pas au film, car beaucoup de choses du livre sont tombées au tournage, ou au montage. L’invention des acteurs en a rendu certaines inutiles, en a développé d’autres. » (H. G.)