Il y a devant moi un jour, enfant, la porte d’une maison où j’accompagne ma mère. Ce que j’étais jusque-là est en entier devant. Pour tenter de dire ce qu’est ma langue, c’est le seul début. Elle est ce qui me fut en quelque sorte accordé ce jour-là.?» Telle est l’image fondatrice, la fracture qui inaugure le parcours d’une vie. La narratrice évoque cette tentative jamais achevée d’un arrachement à tous les déterminismes qui nous privent de parler une langue à soi. Nous nous heurtons avec elle à des butées insurmontables mais toujours rivées à un amour premier de la lettre, traversons les tensions intérieures alimentées par des expériences erratiques et diverses qui nous mènent de l’échappée des années soixante aux terres tragiques du Liban et du Rwanda, en passant par des moments d’émerveillement devant l’enfant surpris à s’essayer à la musique du langage.