La douleur n’a pas bonne presse ! Et celle du bébé, restée longtemps « sans voix », non plus ! Elle est même « scandaleuse » tant elle bat en brèche et offense nos tentatives successives d’organisation. Reconnaître l’erreur de jugement encore récente et coriace au sujet de la douleur du bébé demande une révision des positions du savoir, soulève, collectivement et pour chacun, une intense culpabilité, un retour du refoulé. Comment se fait-il ? Nous n’avions pas vu ! Ces bébés d’hier opérés sans anesthésie ! Comment intégrer un tel changement de point de vue, un tel changement d’ontologie ? Comment passer d’un monde « barbare » à « l’humanisme moderne » ? Et surtout ces progrès sont-ils acquis ?Douleur organique, douleur morale, douleur sociale : il y aurait un continuum dans cette polyphonie de la douleur. Ce constat empirique a été validé par des études histo-physiologiques pionnières (Eisenberg) et reprises à Lyon (Sirigu, Mauguière). Elles démontrent que la douleur sociale active les mêmes zones cérébrales qu’une nociception due à une atteinte physique. Prolongée, elle cause des dégâts irréversibles. Quid des effets délétères de l’exposition prolongée d’un bébé tant au retrait d’une mère déprimée qu’aux nombreuses autres distorsions du lien ? La douleur chez les bébés est un puissant paradigme de « l’air du temps », de nos théories pluridisciplinaires, de nos pratiques et de l’attention soignante.Avec le soutien de la Fondation apicil contre la douleur, mécénat pour notre recherche-action en cours à Lyon (KiTDP, outil de prévention des douleurs intersubjectives entre mère et bébé).