Depuis le début de sa carrière de bourreau en 1891, Anatole Deibler a pris pour habitude de noter dans des carnets d’écolier de toile grise, en face de la date et du lieu de la condamnation, les noms de chaque condamné à mort et leur « curriculum vitae ». Une liste interminable de parricides, de satyres, d’égorgeurs, d’assassins, d’empoisonneurs de tous âges et de toutes conditions. Une fois l’exécution menée à son terme, Anatole Deibler complète son catalogue : en face du nom du condamné une croix tracée à l’encre bleue signifie qu’il a été gracié, le texte rayé d’un trait bleu, que le verdict a été cassé, enfin, une croix rouge cerclée de noir, qu’il a été guillotiné… Ces derniers auront le privilège de constituer ce qu’Anatole appelle « son palmarès ». Les extraits de ces carnets sont complétés par des photos inédites : les derniers portraits des condamnés à mort exécutés tels que conservés par les archives de la police nationale. Au-delà du témoignage historique, cette litanie de visages hallucinés ou résignés, apeurés ou bravaches, et ces fragments de vies brisées donne un éclairage tout particulier sur cette « Belle Époque », dont la nostalgie fait oublier la violence.