Enfant, je n’avais pas besoin encore de mots. L’ensoleillement suffisait. Pour cela, il fallait sortir de la maison que l’on nommait « Le moulin ». Il s’agissait en réalité d’une demeure très sombre et humide qui surplombait une rivière – le Lot – et dont un des murs jouxtait celui d’une usine. Se délivrer, c’était diriger ses pas vers les jardins ouvriers. Là, un peuple d’iris vous accueillait. La gravité heureuse provenait des herbes, du ciel qui s’ajoutait comme un fruit de plus entre les branches d’un vieux pêcher. Plus loin, se dressait un cerisier qui plongeait ses racines jusqu’au bord de l’eau où sommeillaient des barques noires, goudronnées. La boussole transparente des libellules survolait le territoire, le délimitait, indiquait que le jour s’offrait entre nécessité et distraction. Leurs danses amoureuses semblaient ignorer l’odeur entêtante des barques et se terminaient momentanément sur le rebord tremblant de celles-ci ou sur une herbe qui ployait jusqu’à iriser l’eau.